~ Crayon à Paris ~

Ecoles d’esthétique : les garçons n’ont plus à s’adresser ailleurs

En 2013, je souhaite attirer l’attention du ministère de l’Education nationale sur l’inacceptation des candidats de sexe masculin au sein de certains établissements préparant aux métiers de l’esthétique.

Les établissements Françoise Morice, Pigier Création, Marcel Lamy situés à Paris et l'école Thalgo située à Saint Maur des Fossés, estiment que les exercices effectués sur le corps humain ne pourraient se dérouler entre élèves de sexe opposé.

Les candidats masculins les contactant sont invités à s’adresser ailleurs.

Cette sélection conduit à une restriction des choix des établissements de formation pour les garçons alors qu’ils font partie d'une catégorie des plus sous-représentée que peut compter un enseignement professionnel : 95 % de filles et 5 % de garçons pour la spécialité Esthétique/Coiffure.

Le métier d‘esthéticien leur est rendu moins accessible dans le même temps, celui-ci étant soumis à la détention d’un diplôme en esthétique (loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat).

Le ministère de l’Education nationale ne donnera pas de suite à ma correspondance du 6 avril 2013.

-

Le Défenseur des droits auquel j’ai transmis ces informations ouvrira une enquête.

Les établissements interrogés justifient alors cette sélection par des motifs d’ordre organisationnel ou par l’absence de vestiaires distincts. L'un d’entre eux estime qu’il faudrait créer une classe constituée de garçons comme seule alternative mais que leur nombre limité ne le permet pas.

Ces écoles indiquent (extraits) :

'' Nous ne pouvons mélanger (sic) dans des instituts d’application des élèves femmes avec des élèves hommes '' (Pigier Création).

'' Les stagiaires féminines vont devoir accepter un homme dans leur groupe qui pratique les soins sur elles, y compris les épilations du maillot et des aisselles et être en partie dévêtues devant lui '' (Thalgo).

Il ressort aussi que le site internet de l’école Françoise Morice a été conçue de façon à viser exclusivement un public féminin.

-

Reprenant une délibération de la Halde, le Défenseur des droits note que les arguments fondés sur l’absence de vestiaires distincts sont proches de ceux ayant été avancés par des établissements de classes préparatoires pour justifier l’exclusion des filles de leur internat.

Sur ce point, la Halde a considéré que la configuration des locaux ne répondait pas à un but légitime car les restrictions en découlant étaient structurelles et d’un contexte historique révolu. Par ailleurs, aucune volonté réelle d’y remédier ne s’était concrètement manifestée.

Pour le Défenseur des droits lui aussi, la protection des mineurs, de la décence et de l’intimité constituent indéniablement des objectifs légitimes.

Toutefois, il juge l’exclusion d’office des garçons disproportionnée et rappelle le droit à la formation.

Il rappelle également que le refus de former un homme à certains métiers comme celui de sage-femme a déjà été remis en cause dans les années 80. L’avocate générale de la Cour de Justice des Communautés Européennes a critiqué ce refus vu que les hommes sages-femmes demeureraient '' plutôt l'exception que la règle " (1) et que les femmes enceintes conservaient le libre choix.

Des alternatives existent pour former les garçons aux techniques esthétiques comme la pratique par simulation, le regroupement d’élèves du même genre ou la pratique entre personnes consentantes.

D’autres établissements forment les garçons et semblent avoir surmonté les appréhensions liées à la mixité (Elysées Marbeuf à Paris, Ema à Nancy, Marge Verlair à Toulouse…).

Le Défenseur des droits conclut que l’exclusion des hommes aux formations d’esthétique relève de la discrimination et recommande le changement des pratiques.



(1) : conclusions de l'avocate générale S.Rozès, 7 juin 1982, portant sur l'affaire 165/82 jugée le 8 novembre 1983 à la CJCE.

Décision disponible sur le site du Défenseur des droits (mld-2015-305, 12 pages)